Les opposants bretons à l'écotaxe arborent le bonnet rouge en référence à une révolte antifiscale datant du XVIIe siècle.
En un week-end, le bonnet rouge est devenu le symbole de la contestation contre l'écotaxe. Samedi dernier, près d'un millier d'agriculteurs arboraient le même couvre-chef lors d'une manifestation dans le Finistère, offert par la société Armor Lux en soutien au mouvement. L'objet a une histoire. Au XVIIe siècle, il faisait parti de l'habit populaire dans la région de Carhaix, le Poher. Les paysans bigoudens lui préféraient la couleur bleu. À l'époque, la région s'était soulevée contre la levée de nouvelles taxes. L'épisode est resté connu sous le nom de révolte des Bonnets rouges.
«Nous sommes un certain nombre à connaître notre histoire», explique le secrétaire général de la FDSEA Thierry Merret qui revendique clairement le clin d'œil à l'épisode. «Colbert, c'est l'équivalent d'Ayrault. À l'époque, il levait l'impôt pour faire la guerre contre la Hollande. Sans mauvais jeu de mot…» Les faits mentionnés remontent aux années 1670. La France est en guerre contre les Provinces-unies. Jean-Baptiste Colbert, le contrôleur général des finances, lève de nouvelles taxes notamment sur le tabac et le papier timbré. La révolte gronde dans plusieurs villes du royaume. Dans l'ouest de la Bretagne, les événements prennent une intensité particulière. «Au cours des années 1670, la région connaît un retournement de conjoncture après un âge d'or, explique l'historien Alain Croix. Le contexte de l'époque rappelle, à certains égards je précise, celui que nous connaissons actuellement.»
Dans la région, l'épisode a marqué les esprits. Les stigmates marquent toujours le paysage dans certains villages, où le clocher de l'église a été décapité par les troupes royales. Il comporte depuis une certaine part de mythe. La légende veut que l'événement ait inspiré jusqu'à la coiffe des Bigoudènes. Mais la révolte des Bonnets rouges a retrouvé une nouvelle jeunesse dans la seconde moitié du XXe siècle. «La Bretagne des années 1970 est marquée par le retour d'une identité positive, relate Alain Croix. L'accent est alors mis sur l'image du Breton révolté. L'histoire des Bonnets rouge s'y prêtait donc.» Une pièce de théâtre, Le Printemps des Bonnets rouges, est représentée à travers la région à l'initiative des autonomistes de l'Union démocratique de la Bretagne. Le Parti communiste s'est, lui aussi, approprié le symbole. Il est même depuis peu revendiqué par l'extrême-droite bretonne.
L'écotaxe touche une fibre sensible chez les Bretons: l'absence des péages. Les opposants à l'écotaxe font souvent remonter l'origine de ce «privilège» au rattachement du duché à la France en 1532. Faux, leur répond Alain Croix. Cette spécificité bretonne a été obtenue dans les années 1960, mais il n'en a jamais été question dans l'Édit d'union.
Source : Le Figaro, Roland Gauron, 2 novembre 2013.